Associer un défilé de mode à de la poésie est pour le moins surprenant. Ce mariage paraît même incongru, tant l’un s’ancre dans les apparences et l’autre s’attarde à la subtilité des choses. Christian Vézina a néanmoins choisi de les rapprocher dans une pièce originale. Et quand trois femmes s’avancent lentement sur scène vêtues de tchadors, on est même un peu perplexe. Il suffit pourtant qu’elles s’expriment, chacune à leur tour, pour nous laisser porter. Porter d’abord par leur voix qui met en lumière une série de poétesses (Ananda Devi, Marie Étienne, Brigitte Fontaine, Suzanne Jacob, Joyce Mansour et Hélène Monette). Porter aussi par leur interprétation qui, tantôt sensuelle ou cocasse, libère la parole.
Dans Collection printemps-été, un kaléidoscope d’émotions défile dans une mise en scène éclatée. Bien évidemment, le féminisme est mis à l’honneur par l’entremise de trois talentueuses comédiennes, mais il serait réducteur de n’y voir que cela. Danielle Proulx, Salomé Corbo et Elkhanna Talbi font preuve d’une grande souplesse en incarnant des personnages absurdes ou encore mélancoliques. Car voilà le tour de force de cette pièce. Le dépouillement du décor est souvent comblé par une interprétation qui nous donne à voir et à sentir la légèreté ou la profondeur des poèmes.
Dans cet espace un peu loufoque où se côtoient les scènes du quotidien et les légendes, il ne faut pas trop se formaliser de l’enchaînement des séquences ou de l’absence de transition. Après tout, c’est aussi cela le théâtre expérimental : prendre ses distances vis-à-vis des conventions. Ainsi, mieux vaut se laisser guider par la musicalité du texte et la prestation des comédiennes. C’est le fil rouge de la pièce qui rend la poésie vivante sur cet étrange podium de mode. Christian Vézina clôt même son défilé avec la traditionnelle « robe de la mariée » où ses trois comédiennes sont une dernière fois en symbiose.
Collection printemps-été, une pièce hybride qui mêle le plaisir des sens à celui des mots.
**Ce billet a été rédigé par Thomas Campbell**
Collection printemps-été I Production du Nouveau Théâtre Expérimental (NTE)
Présenté à l’Espace Libre jusqu’au 11 avril 2015 I 1945 rue Fullum, Montréal